VOINA, Tiziana Villani, Camilla Pin, Yulia Tikhonova, Marco Baravalle
VOINA
art/politique
ISBN: 979-10-93250-01-4
64 pages
Prix : 9,00 euros
Parution: Juin 2014
« Voïna signifie “Guerre”. Nous avons déclaré la guerre à tout ce monde de l’art glamouro fasciste qui ne produit que des objets d’art morts… Toute cette pitoyable masturbation artistique pseudo-libérale avec des programmes, c’est dépassé. Il est temps de s’ y opposer pour de bon au lieu de se contenter de jouer avec les mots… Notre but est de montrer la communauté artistique glamour et conformiste sous son vrai jour, pour que tout le monde puisse en rire. Elle est vendue, fascistoïde et ne reproduit que de la merde artistique sans odeur complètement ringarde. »
L’ouvrage: L’ “acte de création est un acte politique”. Les actions artistiques du groupe russe Voïna réitère de cette façon précise l’indissociabilité entre l’art et la politique sans pour cela se retrancher dans aucun sectarisme.
Des scénarios urbains où “produire des actions”, agir dans les lieux en modifiant le sens, celle-ci sont les incursions que Voïna éparpille dans les espaces publics en défiant toute précaution, ce sont des actions à observer et restent très difficiles à décrire.
Le geste et les actions doivent profaner, c’est-à-dire briser le mur du silence et l’interdiction qui caractérise les complicités de tout l’esthétisme contemporain.
Le grand pénis dessiné sur le pont de Neva, le déjeuner préparé dans le métro, les scènes déconcertantes des suicidés dans les supermarchés, les irruptions dans les institutions se moquent de toute forme de consolation et dessinent les espaces radicalement différents, dans lesquels la création résout le désir de liberté et les possibilités de créer des espaces communs.
L’auteur: Voïna (en Russe: Guerre) est un groupe russe connu pour ses performances artistiques provocantes à vocation politique, créé en 2007 par Oleg Vorotnikov et Natalia Sokol, étudiants en philosophie de l’Université d’État de Moscou.
En février 2011, les activistes Oleg Vorotnikov et Leonid Nikolayev sont libérés sous caution (payée par l’artiste Banksy) après avoir passé quatre mois en détention suite à une manifestation anti-corruption.
En février 2008, des activistes du groupe entrent dans un musée, se déshabillent et ont des relations sexuelles de groupe en public filmées, en protestation contre l’élection de Medvedev. L’action est intitulée Fuck for the heir Puppy Bear! (en). Parmi les activistes figure Nadejda Tolokonnikova, enceinte de 8 mois, qui sera plus tard inculpée d’hooliganisme avec deux autres membres du groupe Pussy Riot.
Un extrait :
Camilla Pin : Vous avez commencé votre activité en 2005 en choisissant les rues russes comme champ de bataille et peut-être est-ce pour ça que, quand on décrit votre pratique artistique, le terme utilisé plus communément est « action ». Vos performances les plus connues ont un impact sur les symboles du régime russe. Pourquoi avez-vous choisi cette méthode?
VOïNA : Pour la même raison que nous nous appelons Voïna, soit « guerre ». Nous avions besoin d’un « format » radical, extrême, de façon à ce qu’il n’y ait pas de marge de retraite, que nous n’ayons pas nous-mêmes la possibilité de nous glisser au-dehors. Il faut résister jusqu’à la mort! Dès le début nous nous sommes mis dans les conditions les plus dures possibles: la bataille doit être réelle. La meilleure façon de travailler est d’aller en profondeur. Et nous avons choisi ce chemin, qui s’enracine dans une profonde tradition de résistance celle des révolutionnaires extrémistes russes, terroristes connus dans le monde entier. Nos tactiques sont nées et survivent sous la féroce pression de la police, en se développant dans le profond sous-sol des villes dans des circonstances sur-réelles, dans lesquelles la survie provient en soi du royaume de la mythologie. C’est là que nous devons frapper le système. Afin de ne pas exister seulement en paroles, par exemple, concrètement, nous avons renoncé à nous servir de l’argent. Les politiciens sont toujours sensibles aux polémiques de ceux qui soutiennent qu’ils agissent uniquement par avidité, pour s’enrichir. Donc nous nous engageons en politique sans penser en tirer quelque profit que ce soit. Nous avons commencé à renoncer à l’argent en 1998, bien avant l’existence de Voïna. Avec Voïna nous sommes devenus populaires, sans faire de compromis, en 2005, mais nous continuons à vivre et travailler de cette manière. Nos actions ne sont pas des trucs de quatre sous, mais plutôt un don et un exemple pour le citoyen moyen. Il faut se libérer de toute tentation et être bien clairs sur les objectifs de notre lutte. C’est très important pour l’art. L’Art existe dans l’absolu. Il fonctionne dans l’idéal. Il fleurit et s’épanouit dans des circonstances idéales, où il n’y a pas de place pour la faiblesse humaine et les demi-mesures. Il est une lumière aussi rayonnante que celle du soleil. L’art est une pratique contagieuse. Comme les rayons du soleil, il se propage dans toutes les directions à la vitesse de la lumière, en conquérant tous les territoires proches et lointains en brûlant toutes les barrières sur son passage – voitures de la police, abreuvoirs pour les porcs, régimes absolutistes. Et il continue ainsi tant que les rayons sont chauds. C’est notre guerre mondiale. Ou mieux, universelle.
Camilla Pin : Vous considérez l’art comme instrument qui sert à avoir une incidence sur le réel, comme pratique contagieuse qui provoque des sorties continues, comme créateur d’imaginaire et de nouveaux langages qui puissent surmonter les vieilles dichotomies comme celle de l’art-politique, est-ce bien cela?
VOïNA : Nous ne devons plus parler d’un art qui concerne la politique, mais d’une politique faite d’une manière artistique. Par exemple tu peux être un artiste intéressé à la politique et réaliser des œuvres sur la politique, mais ce n’est pas notre cas; nous faisons de la politique en utilisant l’art, donc il serait préférable de dire que nous sommes des politiciens, un nouveau genre de politiciens. Le vieux langage de la politique ne fonctionne plus, ou mieux il continue à fonctionner en faisant pourtant beaucoup de victimes. Il serait possible de faire la révolution à l’ancienne, mais avec des milliers de victimes, comme en Syrie, en Libye, en Égypte, on peut le faire, en risquant toutefois de le payer cher.
Voilà pourquoi nous devons créer vraiment un nouveau langage politique et nous le faisons de notre mieux, d’une manière artistique.
Camilla Pin : Comment réussissez-vous à éviter les tentatives permanentes de capture par le système de l’art?
VOïNA : Le système voudrait que nous fassions partie de l’establishment. À notre avis, la clique qui tourne autour du monde de l’art est répugnante. Nous ne nous mélangeons pas avec elle. En Russie, les autorités ont essayé de nous maîtriser par des reconnaissances prestigieuses. Quand nous sommes sortis de prison le ministère russe de la Culture nous a donné le Prix de l’Innovation pour la meilleure œuvre d’art visuelle, Dick captured by the FSB. On nous a donné ce prix important et de l’argent, mais nous les avons refusés et nous ne sommes pas allés à la cérémonie de remise des prix; cependant nous nous sommes servis de nos avocats pour obtenir l’argent quand même et l’affecter entièrement à l’association Agora de défense des droits humains aux prisonniers politiques en Russie. Nous avons fait en sorte qu’à la fin l’État paie les ennemis de l’État. C’était assez amusant. À partir de ce moment-là ils n’ont plus tenté de nous acheter puisqu’ils ont compris qu’en toute circonstance nous n’aurions pas fait autre chose que de nous servir d’eux pour nos propres intérêts. Cela a été pour eux une leçon sur la manière de produire et de créer de la matière artistique.
S’ils ne retiennent pas la leçon et continuent à nous nommer pour leurs concours manipulés, alors ils le regretteront bientôt. Après tout, acheter un révolutionnaire n’a aucun sens, et flirter avec le génie est dangereux.
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