Andrea Fumagalli
LA VIE MISE AU TRAVAIL
Nouvelles formes du capitalisme cognitif
Préface de Christian Marazzi
Rayon: sciences économiques et sociales
ISBN: 979-10-93250-06-9
104 pages
Prix : 13,50 euros
Parution: Mars 2015
L’idée que le travail confère un véritable droit de citoyenneté est aujourd’hui encore largement transversale, interclassiste, partagée par les différentes éthiques religieuses et, de plus en plus, par les éthiques laïques.
L’ouvrage: avec le passage de la théorie économique classique (Smith, Ricardo, Marx) à la théorie néoclassique (Stuart Mill, Jevons, Nassau Senior, puis Walras), les spécificités historiques du capitalisme disparaissent en laissant le champ ouvert au triomphe de l’éthique du travail. Un dispositif idéologique de contrôle et de transmission de la pensée dominante commence ainsi à se déployer. Celui-ci n’a d’équivalent dans aucune autre discipline scientifique, (:) que se soit dans les sciences exactes ou dans les sciences humaines. Ce dispositif s’actualise essentiellement par deux voies : la voie méthodologique et celle du mérite.
Qu’est ce que le capitalisme cognitif ?
Ce livre examine le courant qui présente le « capitalisme cognitif » comme une nouvelle forme historique de capita- lisme, succédant au capitalisme marchand et au capitalisme industriel. Yann Moulier Boutang et Jeremy Rifkin (qui parle de troisième révolution industrielle) ont synthétisé cette position de la manière la plus claire : « La thèse défen- due ici sera celle d’une nouvelle “grande transformation” de l’économie et donc de l’économie politique (…) Certes, ce n’est pas une rupture dans le mode de production car nous sommes toujours dans le capitalisme, mais les composantes de ce dernier sont aussi renouvelées que celles du capitalisme industriel ont pu l’être par rapport au capitalisme marchand (en particulier dans le statut du travail dépendant qui passe du second servage et esclavage au salariat libre). Pour désigner la métamorphose en cours nous recourrons à la notion de capitalisme cognitif comme troisième espèce de capitalisme. »
L’auteur: Andrea Fumagalli est Professeur de Economie Politique auprès du Département de Science Économique de l’Université de Pavie. Il fait partie du Managing Committe projet Européen COST (pour l’Italie): ISCH COST Action IS1202 Dynamics of Virtual Workde l’Association Bin-Italia (Basic Income Network), de l’Executive Committee du BIEN (Basic Income Earth Network), du réseau Independent de recherche « Effimera » et du Network « San Precario », Milan (Italie). Ses recherches concernent la précarité du travail et les transformations du capitalisme de la modernité.
Le public: essai à caractère divulgatif, aussi pour un public intéressé aux changements socio-économiques.
Un extrai de la préface de Christian Marazzi : Dans ce bref, mais intense essai sur la signification historique – c’est-à-dire concrète – du travail, Andrea Fumagalli parcourt les transformations fondamentales des régimes d’accumulation du capitalisme, en en soulignant aussi bien les ruptures de paradigme que les métamorphoses relatives à la nature du travail et à la relation salariale qui lui est inhérente. Dans cette trajectoire théorique et politique, le travail est un terrain d’antagonisme, de lutte, de production de subjectivité, qui s’articule autour du sens et de la finalité du travail. Le travail, écrit Fumgalli, n’est ni un bien ni, a fortiori, un bien commun, mais plutôt le lieu où le capital exerce son pouvoir sur la vie, son biopouvoir, ce lieu que Marx pose comme contradiction entre la force de travail comme capacité, comme puissance de travail, et le travail vivant en tant que subjectivité pliée à la logique et à la discipline du capital. Dans cette contradiction, qui est à l’origine de l’accumulation capitaliste, ce qui prime, c’est la transformation, le passage de la forme marchandise du travail à sa forme vivante, et c’est dans cette transformation historiquement déterminée que la définition de la valeur et sa mesure apparaissent comme des indicateurs de crise davantage que de l’équilibre économique général.
On ne travaille pas pour travailler, si l’on suit les textes sacrés. La fin ultime de la production n’est pas la production, s’il est vrai qu’otium est la racine de negotium, de cette activité productive (labor) dans laquelle nous sommes engagés par nécessité. « Mais – écrit Fumagalli – loin de faire que le travail se transforme en opus et/ou otium, c’est le contraire qui se produit. Les capacités cognitives et artistiques, les compétences individuelles sont toujours plus marchandisées, salarisées et hiérarchisées. Loin de devenir un bien commun, le travail moderne est toujours plus un mal commun. Loin d’entrer dans l’époque de la fin du travail, nous sommes en présence du travail sans fin ».
Le biocapitalisme contemporain est parvenu à mettre au travail et à soumettre à la valeur la vie entière en modifiant en profondeur l’organisation de la production de richesse. L’usine, de lieu d’activité industrielle, s’est transformée en flux d’extraction de la valeur, usine diffuse sur le territoire des activités humaines les plus différenciées. Chaque secteur de la vie semble devenir l’occasion de nouvelles accumulations primitives, de nouvelles enclosures des biens communs.
Fumagalli rend compte avec une grande précision de cette métamorphose du capitalisme contemporain en décrivant la multiplication des formes de travail du point de vue du contrat, de l’individualisation du salaire et de l’extension du travail non payé, du travail gratuit, qui définissent la nouvelle frontière de l’accumulation sauvage du capital. Le « travail contemporain », la « précarisation comme condition structurelle » vident de leur sens les indicateurs statistiques comme le taux d’emploi ou de chômage. Mieux vaudrait de parler de « taux d’emploi précaire », lorsque le travail à durée déterminée, le travail intérimaire, le travail indépendant ou le travail au noir – qui constituent le corps invisible de la société – concourent à produire de la richesse au moyen de la misère.
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